Laurent Levrey

Sommaire

La frontière entre le greenwashing et la mise en place d'une stratégie RSE est parfois vite franchie… Pour se donner bonne conscience et séduire certains consommateurs peu regardants, de nombreuses enseignes jouent avec le vocabulaire et les codes de l’écologie. Se présenter comme adjacent à une solution écologique éprouvée, (re)peindre un emballage en vert, s’inventer un label à consonance altermondialiste, les exemples flagrants de greenwashing ne manquent pas.

Le greenwashing, c’est quoi exactement ? Pourquoi est-ce dangereux ? Comment reconnaître l’écoblanchiment pour l’éviter ?

Qu’est-ce que le greenwashing ? Définition et enjeux.

Le greenwashing ( « écoblanchiment » dans sa traduction française, ou encore « verdissage »), adopté de plus en plus fréquemment par certaines entreprises, se définit comme une stratégie de communication et de marketing visant à faire croire que l’entreprise a une politique écoresponsable.

✅ Le greenwashing signifie « verdir » ou donner une image écologique à des entreprises et à des produits qui ne le sont pas selon l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie).

L’expression « greenwashing » provient de la contraction des termes anglais green (vert) et whitewashing (blanchiment à la chaux, puis camouflage ou encore travestissement). Popularisé dans les années 2000, le terme remonte aux années 1990, lorsqu’il est employé pour la première fois par des ONG souhaitant mettre à l'index les pratiques douteuses de grands groupes industriels.

Le greenwashing : une forme de publicité mensongère 

Le principe même du greenwashing consiste à avancer des arguments écologiques afin de faire rayonner une marque et de l’inscrire aux yeux du public dans une démarche écoresponsable.

De fait, les actions engagées relèvent plus de dépenses publicitaires que de véritables mesures en faveur de l'environnement et du développement durable. Ces arguments peuvent tourner autour de thématiques comme les énergies renouvelables, le recyclage, la préservation de l’eau ou l’arrêt de l’utilisation de certains polluants. 

Bien évidemment, quand ces arguments sont avancés en s’appuyant sur des faits, il va de soi que l’entreprise n’est pas dans une démarche de greenwashing. Le problème réside dans l’envie de faire croire que l’entreprise est engagée, quand elle ne l’est que par les mots.

Greenly -Quels sont les leviers du Greenwashing ?

L'agence de communication britannique Futerra a ainsi établi plusieurs critères permettant de détecter la pratique du greenwashing. Les éléments pour reconnaître le greenwashing concernent : 

  • l’usage de produits verts par une entreprise qui ne l'est pas ;
  • l’usage d'images suggestives ;
  • l’utilisation de slogans abusifs, de jargon écologique ou au contraire de termes approximatifs ;l’absence de preuve apportées pour soutenir un discours ;
  • la référence à des amis imaginaires ;
  • le fait de « prétendre qu'on est les premiers d'une classe sans dire qu'elle est composée de mauvais élèves ».  

À cette liste, l’ADEME ajoute : 

  •  les promesses disproportionnées ;
  •  la mise en avant de faux éco labels (autoproclamés et ne correspondant à aucun référentiel) ;
  •  la mise en avant de pratiques durables sans rapport avec le produit.

La définition du greenwashing selon les acteurs du marketing et de la transition écologique

Aujourd’hui, le greenwashing est considéré comme une pratique abusive ou mensongère destinée à tromper les consommateurs. Il est évidemment vigoureusement dénoncé par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) et l’ADEME.

Le greenwashing selon l’ADEME

Pour prévenir les dérives, l’ADEME a publié un Guide Anti Greenwashing à destination des marques afin qu’elles puissent auto-évaluer la pertinence de leurs actions de communication liées au développement durable. 

Sponge Bob

🎯 Objectif : éviter d’utiliser abusivement l’argument écologique en dehors des cas de réelles innovations, de mesures hors norme ou d’actions ayant un très fort impact. Un conseil tiré du guide : « Ce n’est pas parce que votre message respecte les règles existantes qu’il ne faut pas s’interroger sur les moyens mis en œuvre pour le réaliser : évitez de faire comme cette entreprise qui, pour une campagne de valorisation de sa démarche environnementale voulait faire réaliser des photos d’une montagne... en hélicoptère ! »

Le greenwashing selon l'ARPP

Pour contrecarrer le greenwashing, L'ARPP recommande une double responsabilité des entreprises. Elles doivent ainsi faire une présentation précise des propriétés de leurs produits et de leurs actions en matière de développement durable, en respectant le triptyque croissance économique, intégration sociale et protection de l'environnement.

Quelques exemples de greenwashing

S’ils sont de plus en plus décriés par l'opinion publique et ciblés par la législation, les exemples de greenwashing n’en finissent pas de pleuvoir… Voici quelques marques qui ont fait preuve d’écoblanchiment ces dernières années.

🧴Le greenwashing dans le secteur de la cosmétique

L’un des secteurs les plus touchés par les dérives du greenwashing est le secteur de la cosmétique. Les marques de cosmétiques se positionnent de plus en plus sur l’aspect durable et naturel de leurs produits, mais leur réel impact environnemental ne va pas toujours dans ce sens. 

Vous l'avez forcément déjà lu quelque part : Le greenwashing en cosmétique se présente parfois sous la forme d’affirmations telles que « sans paraben, sans silicone… »

Mickey Mouse Poison

Or, ces composants nocifs sont parfois remplacés par d’autres substances encore plus toxiques comme : 

  •  le methylisothiazolinone (allergisant) ;
  • les libérateurs de formaldehyde (qui contiennent du formol, cancérigène par inhalation) ;
  • le phenoxyethanol fait à base de pétrole (toxique et allergisant). 

Parmi les acteurs du secteur de la cosmétique, ce sont les marques Yves Rocher et Lush qui sont souvent accusées de verdissage de leurs produits.

Yves Rocher et le greenwashing

Si le vert est omniprésent sur leurs emballages, les produits Yves Rocher ne sont pas toujours aussi sains qu’ils le prétendent.

Le phenoxyethanol mentionné plus haut se retrouve par exemple dans leurs masques d'hydratation ou leurs shampoings réparateurs.

Du silicone, des substances allergènes ou encore des parabènes, voilà ce qu’on peut également trouver dans la composition de leur crème hydratante à la Camomille. Et quand on jette un œil aux ingrédients utilisés, on se rend vite compte que cette fleur est loin d'être la première de la liste ! De quoi se sentir floué.

L’écoblanchiment de Lush

Un autre exemple dans le domaine des cosmétiques : Lush. L’enseigne fait aussi l'objet d'accusations de greenwashing. Et ce en raison de la composition de ses produits contenant des ingrédients à risques tels que des perturbateurs endocriniens.

Certains de leurs composants sont nocifs pour les humains, mais aussi pour l’environnement. Un de leur produit phare, le savon pour le corps Outback Mate, contient notamment du tetrasodium etidronate (stabilisateur très polluant) et du synthetic fluorphlogopite (très polluant également).

🚗 Le greenwashing dans le secteur de l'automobile

La voiture propre est un mirage dont de nombreux constructeurs automobiles usent afin de séduire leurs consommateurs. Les constructeurs vantent le respect de l’environnement de leurs modèles de voitures électriques et de leurs modèles hybrides qui rejetteraient peu de gaz à effet de serre. Il ne faut pourtant pas oublier que l'empreinte carbone de la voiture est l’une des premières sources d’émissions de gaz à effet de serre en France.

Volskwagen : l’exemple même du greenwashing  

L'exemple de l'affaire Dieselgate en 2015 a fait de Volkswagen un cas d’école en termes de greenwashing. Malgré des campagnes de communication pour vanter une démarche écoresponsable, le constructeur automobile n'a pas hésité à frauder lors de tests techniques visant à mesurer les émissions de leurs moteurs.

Voitures et CO2

General Motors : la mascarade écologique

Dans la compétition du greenwashing, General Motors est parmi les favoris ! Le constructeur automobile a ainsi investi plusieurs milliards de dollars pour fabriquer un pick up électrique de 1000 chevaux (10 fois plus que votre berline), avec une batterie de 200 kWh (40 kWh pour la Zoé, 0,5 pour un vélo électrique), et dont le poids sera de l'ordre de 5 tonnes. 

Pourquoi ça pose problème ? 

Parce qu’une voiture de 5 tonnes, c'est 25 à 30 tonnes de CO2 à la fabrication (métallurgie dont aciérie, (pétro)chimie, verre, assemblage, transports intermédiaires, etc) !  Fabriquer une batterie de 200 kWh c'est aussi environ 20 tonnes de CO2 additionnels (métallurgie, chimie, transports, assemblage).

⚠️ Résultat : cet Hummer utilisé 200.000 km émettra 250 g de CO2 par km rien que pour sa fabrication (8 g par km pour un vélo électrique utilisé 10.000 km). Reste l'électricité, soit 0,5 kWh par km : avec 475 g de CO2 par kWh électrique en moyenne mondiale, cela ajoute encore 250 g de CO2. Avec un total 500 g de CO2 par km, voilà ce que General Motors appelle zéro CO2.

👕 L’écoblanchiment du coton biologique H&M

Dans la famille des secteurs les plus adeptes du greenwashing, je voudrais l’industrie de la mode ! En 2019, l’Autorité norvégienne de la consommation retoquait la marque de prêt-à-porter H&M, leader de la fast-fashion, pour la commercialisation de sa collection intitulée trompeusement “Conscious". 

Le principe de la collection ? 

Proposer des vêtements fabriqués à partir de tissus recyclés, misant ainsi sur la mode croissante du zéro déchet

Le hic? 

Les matériaux recyclés ne représentaient parfois qu’une partie infime du vêtement (seulement 20%), notamment en ce qui concernait le coton ! 

Le slogan “There is No Planet B” affiché fièrement sur un t-shirt de la marque incarne à merveille toute la dangerosité et l’ironie du greenwashing. En plus de mentir sur son impact environnemental, la marque ne s’inscrit pas dans une démarche d’amélioration continue et ignore les fondamentaux d’une politique respectueuse de l’environnement.

There is no planet B

🍽 Le greenwashing dans l’agrolimentaire 

Le cas Coca-Cola : le greenwashing par excellence 

Coca-Cola se situe parmi les entreprises les plus communément accusées de recourir au greenwashing. En 2019, le géant présentait ainsi à coups de spots publicitaires léchés ses prototypes de bouteilles fabriquées à hauteur de 25% de plastique recyclé provenant de déchets récupérés dans les océans.

Une initiative questionnable si l’on se penche sur les activités de la marque… D’après un rapport publié par la fondation Ellen MacArthur, l’entreprise Coca-Cola produisait 3 millions de tonnes de plastique pour ses différentes marques en 2017, soit 200 000 bouteilles par minute, et ce alors que le plastique ne peut se recycler qu’à 6 reprises au maximum.

Judge Barry : Guilty he did it

McDonalds passe-t-il vraiment au vert ? 

Aujourd’hui le célèbre logo de l’enseigne de fast food est vert. Ce changement amplifie l’image écoresponsable que Mcdo souhaite endosser. Les pailles plastiques ont été changées pour un modèle en carton, les restaurants utilisent seulement des ampoules à basse consommation, à certains endroits l’huile de friture est recyclée en biodiesel. 

Véritables engagements écologiques ou verdissage d’une enseigne mondialement connue et décriée ? Il semblerait bien que Mcdo ait aussi recours au greenwashing, pour la simple et bonne raison qu’il est le premier consommateur au monde de viande de bœuf, une des plus coûteuse en termes de ressources naturelles et des plus émissives en gaz à effet de serre.

Traçabilité difficile, déforestation massive, impossibilité de recycler les pailles en carton qui finissent donc brûlées car trop épaisses… On salue donc les bonnes initiatives, mais les contradictions de la chaîne de fast food sont encore nombreuses.

Girl is eating a burger

Envie de plus d'exemples ? Vous en trouverez d'autres dans cet article de Packhelp.

Comment reconnaître le greenwashing pour l’éviter ? 

Le greenwashing incite les consommateurs à devenir méfiants vis-à-vis des marques et c’est tant mieux ! Voici 4 astuces pour éviter le piège de l’écoblanchiment.

1 : Regarder la composition des produits

Il est important de lire attentivement les étiquettes et de décortiquer la composition du produit. Une abondance de mentions « sans »  sur le packaging doit alerter le consommateur, car l’objectif est souvent de détourner son attention des ingrédients problématiques. 

Un outil pour y voir plus clair ?

 L'application de score nutritionnel Yuka, qui analyse pour nous la composition des produits issus de l'industrie agroalimentaire à partir de leur code barre (spoiler, les chips c’est pas top). Bonne nouvelle, ça marche maintenant aussi pour les produits cosmétiques !

Dans une optique de zéro déchet, s'intéresser au volume et à la matière utilisée pour les emballages est également pertinent. Si une marque se revendique écoresponsable mais emballe individuellement chacun de ses produits dans des sachets plastiques, il y a des questions à se poser !

https://youtu.be/BPaWFPLzNJ4

2 : Ne pas se laisser berner par les labels écologiques

La lecture des étiquettes ne doit jamais être passive. Il est important de faire en permanence preuve d’esprit critique et de se méfier de certains labels en vérité obscurs. 

Bon à savoir, il arrive fréquemment que des marques se créent leur propre label, n’ayant ainsi aucune valeur juridique et se fondant sur de simples déclarations sans vérification externe. 

Méfiance aussi avec certaines icônes utilisées à des fins marketings, provoquant la confusion avec les labels officiels mais ne signifiant en aucun cas que le produit s'inscrit dans une démarche de développement durable ! 

Quelques exemples de labels de référence garantissant un réel engagement en faveur de l’environnement : NF Environnement, Écolabel officiel français, La fleur (certification européenne officielle), ou encore AB (label certifiant que le produit provient de l'agriculture biologique).

Greenly - Ne pas se laisser berner par les labels écologiques

3 : Un packaging vert n'est pas forcément digne de confiance

Sûrement la plus évidente des astuces pour continuer : se méfier du vert. La couleur verte est souvent employée pour donner l'illusion d'un produit respectueux de l'environnement, le vert faisant naturellement référence à l'environnement et l'écologie.

My favorite color is green

Ainsi, plus les consommateurs sont sensibles au développement durable, plus les emballages verdissent, mais sans que les entreprises changent pour autant leurs pratiques aux conséquences néfastes sur l'environnement.

4 : Faire attention au lexique employé

En matière de greenwashing, il n’y a pas que l’image qui est trompeuse, les mots le sont aussi.

Voici quelques termes qui peuvent vous alerter : 

  • naturel 
  • écologique 
  • vert ou green 
  • biodégradable 
  • éco-responsable 

Bien évidemment, des marques véritablement engagées utilisent aussi ces mots ! Ce dont il faut vous méfier, c’est d’un usage abusif, sans chiffres ou faits avérés pour les confirmer.

Enfin une mise au vert des entreprises ?

Aujourd’hui, le greenwashing est-il toujours d’actualité ? Oui... Mais entre les évolutions réglementaires et la mise en place de politiques RSE sincères (oui, oui, ça arrive aussi !) on constate tout de même de belles améliorations.

Privilégier une RSE pertinente plutôt que l’écoblanchiment

Jeter un œil du côté de la stratégie RSE d'une entreprise est aujourd'hui un bon moyen de démêler le vrai du faux.

Pour qu’une entreprise puisse faire valoir son engagement écologique, le plus efficace est de se référer à une certification normée et reconnue à l’international. Norme ISO 14001norme ISO 9001 ou encore 26000, nombreuses sont les certifications qui permettent aux entreprises d’appliquer des mesures efficaces en engageantes !

Perfect

Pas de greenwashing du côté du bilan carbone

Une entreprise qui communique sur son bilan carbone, c’est une entreprise transparente et déterminée à mettre en œuvre un plan d’action correctif ! 

Le bilan carbone, concrètement, c’est une méthode de collecte et d’analyse de données qui permet d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre produites par une entreprise en fonction de ses activités. L’objectif de la démarche ? Connaître et comprendre ses émissions pour pouvoir identifier des axes d’amélioration et réduire son empreinte écologique ! 

Aujourd’hui, seules certaines entreprises sont légalement obligées de réaliser un bilan carbone, mais nombreuses sont celles qui se lancent dans la démarche de façon volontaire. 

A man is proud of someone

‍À titre d’exemple, Greenly propose de faire découvrir la démarche de ses PME clientes, engagées avec nous pour la réalisation de leur bilan carbone.

Le greenwashing c'est désormais illégal...et c'est une bonne nouvelle !

En novembre 2019, l’Assemblée Nationale a adopté un amendement interdisant les termes « biodégradable » et « respectueux de l’environnement »sur les emballages. Cette proposition, portée auprès de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et des députés de la majorité, émanait notamment du Mouvement Impact France.

Elle a jugé que ces mentions utilisées à tort et à travers n’incitent pas les consommateurs à prêter attention à la question du packaging. Pour être précis, cet amendement qualifie l'écoblanchiment de « pratique commerciale trompeuse ».

Lillte girl is happy

Conclusion ?

Les entreprises véritablement engagées se démarqueront désormais plus facilement des concurrents peu scrupuleux, tandis que le lien de confiance entre marques et consommateur sera renforcé. De quoi finir cet article sur une note positive !   

Source: Greenly https://www.greenly.earth/blog/greenwashing-definition-exemple